L'alliance éternelle

Histoire du livre "L'alliance éternelle" de E.J. Waggoner

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Durant l'automne 1882, à 27 ans, E.J. Waggoner eut une expérience qu'il décrira plus tard comme "le point crucial" de sa vie. Assis dans une tente, lors d'une réunion champêtre un après-midi pluvieux à Healdsburg, en Californie, tandis qu'il écoutait E. White prêcher l'Évangile, il se vit soudain entouré d'une lumière indescriptible qui illuminait la tente comme si le soleil lui-même y brillait dans toute sa splendeur. Il reçut l'évidente "révélation de Christ crucifié" pour lui. Plus tard, il écrivit que, pour la première fois de sa vie, il lui était révélé que Christ l'aimait, qu'Il s'était donné pour lui personnellement, tout cela pour lui. La lumière provenant de la croix de Christ, qui brilla ce jour-là, devint le guide de toute son étude de la Bible. Il prit la décision de consacrer le reste de sa vie à découvrir le message d'amour de Dieu envers les pécheurs individuels, tel qu'il se trouve dans les pages de l'Écriture, et de le transmettre clairement aux autres (Lettre de Waggoner à E. White, 22/10/1900).

Au printemps 1883, Waggoner reçut un appel pour aider son père dans l'édition de Signs of the Times, et très vite il commença à donner des cours au séminaire de Healdsburg, et à travailler comme pasteur de l'église de Oakland. C'est là, qu'en 1884, il rencontra A.T. Jones, qui devint lui aussi éditeur assistant de Signs of the Times, et donna des cours au séminaire; il fut aussi pasteur de l'église de San Francisco. En Septembre 1884, Waggoner avait abordé le thème de la loi dans les Galates, dans une série d'articles dans Signs of the Times. Non seulement il exposa le thème de la loi dans les Galates mais il écrivit sur les deux alliances, deux thèmes qui étaient la partie centrale de sa compréhension de la justice par la foi. Tandis que Waggoner continuait de partager ces vérités dans ses cours, ses sermons et des articles dans Signs of the Times, une forte opposition naquit. En 1886, G.I. Butler, président de la Conférence Générale, et Uriath Smith, éditeur de la Review and Herald, orchestrèrent autant qu'il leur fut possible, une protestation unie contre les enseignements de Waggoner. Butler rechercha même l'appui d'E. White afin de mettre fin à ce qu'il considérait comme une grave hérésie.

Quand l'assemblée de la Conférence Générale eut lieu à Minneapolis, en 1888, cette opposition s'était étendue pratiquement à la totalité de la direction de l'Église. Il n'est pas étrange que, lorsque E. White appuya les présentations de Waggoner sur la justice par la foi à l'assemblée, présentations qui incluaient tant la loi dans les Galates que les alliances, beaucoup commencèrent à remettre en question le don prophétique d'E. White. Plusieurs années plus tard, elle déclara fermement que ce fut "le Seigneur qui envoya un très précieux message à Son peuple par les pasteurs Jones et Waggoner", "dans Sa grande miséricorde". Elle ajouta que "c'est le message que Dieu veut que nous donnions au monde. C'est le message du troisième ange, qui doit être proclamé d'une voix forte accompagné du déversement abondant de Son Esprit" (TM, 91, 92).

D'une certaine manière, grâce à la providence divine et au milieu de cette atmosphère de controverse, Waggoner put publier ses points de vue sur les alliances dans l'édition de 1889 de Bible Readings for the Home (précurseur de Les belles histoires de la Bible), et dans trois trimestres du livret de l'École du Sabbat pour adultes, 1889-1890. Cependant, l'année était à peine commencée, que U. Smith écrivit une réplique aux leçons de l'École du Sabbat et à la publication de la Review du 28 Janvier 1890. Dan Jones, secrétaire de la Conférence Générale, était si contrarié par les leçons de Waggoner, qu'il présenta sa démission comme maître de l'une des classes de l'École du Sabbat de Battle Creek. Le principal motif de la dispute était l'enseignement de Waggoner sur les alliances, qui, aux dires de Dan Jones était "similaire à celui qui fut présenté à Minneapolis" (Lettre de Dan Jones à S.N. Haskell, Mars 1890).

Dans l'hiver de 1889-1890, Waggoner participa à la première assemblée pastorale à Battle Creek. Après avoir disserté sur le livre d'Ésaïe et sur la nature de Christ, Waggoner commença à présenter le thème des alliances, ce qui suscita une opposition d'une telle ampleur que Waggoner fut temporairement destitué de sa charge. E. White, qui était présente, supplia qu'on permette à Waggoner d'exposer sa position. Finalement il y eut dix rencontres consacrées au sujet des alliances: six furent assignées à Waggoner, et quatre à U. Smith et d'autres qui soutenaient la position opposée. Une semaine après la fin de ces réunions, le Ciel poussa instamment E. White non seulement à prendre position, mais à dire comment le Ciel voyait la position enseignée par Waggoner. Tant dans une lettre personnelle adressée à U. Smith, que dans une réunion de Sabbat après-midi, E. White déclara qui avait la vérité sur les alliances:

"La nuit précédente, il m'a été montré que les évidences en relation avec les alliances étaient claires et convaincantes. Vous-même [U. Smith], le frère Dan Jones, le frère Porter et d'autres vous êtes en train de gaspiller en vain vos forces d'investigation, pour soutenir une position sur les alliances opposée à celle que le frère Waggoner a présentée. Si vous aviez reçu la lumière qui brilla, vous n'auriez pas imité ni agi comme les Juifs dans leur manière d'interpréter et de dénaturer les Écritures… Ils trompèrent le peuple. Ils mentirent… induirent en erreur…

"La question de l'alliance est une question claire qui sera reçue par tout esprit sincère sans préjugé, mais j'ai été conduite là où le Seigneur me donna un éclaircissement sur le thème. Vous avez tourné le dos à la pleine lumière, à cause de votre peur d'avoir à accepter le sujet de la loi dans les Galates" (Lettre 59 à U. Smith, 8/3/1890; The Ellen G. White 1888 Materials, p. 599-605).

Malheureusement, ceci ne mit pas fin à l'opposition contre la position de Waggoner sur les alliances. Au contraire, ceci la rendit plus acerbe: avant deux ans, E. White avait été "exilée" en Australie et Waggoner envoyé en Angleterre. Ceci eut un effet positif suite à l'expérience de l'assemblée pastorale: Waggoner se sentit poussé à écrire sur les alliances, et à éditer un grand livre sur ce thème. C'est probablement durant l'hiver de 1890 (peut-être 1892) qu'il écrivit quarante pages de ce qui serait le manuscrit précurseur de "L'alliance éternelle". Peu après son arrivée en Angleterre, au printemps 1892, il commença à travailler plus à fond, à mesure qu'il voyait plus clairement les vérités transcendantes du thème des alliances.

Bénédiction, ou malédiction?

À un moment, Waggoner remit à la Commission des publications de la Conférence Générale la partie achevée du manuscrit. Cette commission avait été constituée en 1887 dans le but de promouvoir la qualité de la littérature adventiste publiée, unifiant toutes les maisons d'édition en Amérique du Nord. Malheureusement, cette commission ne fut pas une bénédiction; bien au contraire. En 1895, après avoir retenu pendant un certain temps le manuscrit de Waggoner, un des membres de la Commission des publications donna une réponse négative à l'impression du livre:

"Je regrette d'avoir retenu si longtemps le manuscrit du pasteur Waggoner sur l'Alliance éternelle. J'ai quelques critiques à lui faire… je ne peux pas les donner en détails parce que ce que j'ai à critiquer [sic] imprègne la totalité des articles. [suivent cinq pages dans lesquelles il expose ses objections]… il y a beaucoup de petites critiques à faire, mais elles sont de caractère mineur, en comparaison avec la critique principale que je viens de présenter, … je suis persuadé qu'il y a de sérieuses objections à la publication de ce manuscrit dans son état actuel. Il est la vérité, une précieuse vérité. Il y a beaucoup de choses excellentes qui n'ont jamais été écrites auparavant sur ce thème; mais à mon avis il contient aussi des erreurs" (Lettre de W.C. Wilcox, éditeur assistant de Signs et membre de la Commission des publications, à F.D. Star, qui est aussi membre de la Commission, le 22 Août 1895).

Il est évident que la Commission des publications rejeta le manuscrit de Waggoner. Seulement quelques semaines après que la lettre précédente ait été écrite, A.O. Tait, qui vivait à Battle Creek, répondit à une lette de W.C. White (le fils d'Ellen White). Comme celui-ci, Tait aurait souhaité que Jones, Waggoner et Prescott publient plus de littérature pour l'Église. Cependant, Tait eut la franchise de reconnaître que la majorité de la Commission des publications était totalement opposée aux trois auteurs mentionnés, et ils votaient contre le matériel qu'ils présentaient, sans même l'avoir examiné:

"Vous suggérez que l'on devrait encourager les pasteurs Jones, Prescott et Waggoner à mettre à part trois ou quatre mois par an pour écrire leurs feuillets, leurs articles et leurs livres. J'avais aussi pensé à la même chose, et je l'ai dit à diverses occasions, mais vous savez, frère White, qu'il y a un fort sentiment dans la Commission des publications, de sorte que dès qu'un manuscrit des personnes mentionnées est présenté, ils se disposent à voter contre sans l'examiner…

"Je vous dirai franchement, frère White, qu'il y a une bonne quantité d'hommes, même à Battle Creek, qui ne voient pas la lumière dans cette vérité bénie sur la justice de Christ qui nous est venue comme un déluge de bénédictions depuis l'assemblée de la Conférence Générale à Minneapolis… L'expérience de cette vérité est ce qui manque à beaucoup, et ils ne traitent pas les autres comme leurs frères, ni comme l'acquisition du sang de Christ. Donc, il me semble qu'il y a une barrière dans notre Commission des publications qui empêche n'importe quel progrès dans la manière de publier les feuillets et les articles de ces frères auxquels vous faites allusion. Avant hier, pour ne pas aller bien loin, le président de la Commission des publications, s'excusant du rejet d'un manuscrit de frère [A.T.] Jones, me dit de la manière la plus explicite que le préjugé contre lui de la part des membres de la Commission des publication qui travaillent ici à Battle Creek, était tel, qu'il était pratiquement impossible que n'importe quel manuscrit soit approuvé. Comme vous le savez bien, la Commission des publications est une création de la Conférence Générale… Je vous le dis, frère White, je suis fatigué qu'il y ait des personnes qui retiennent les publications et retardent le progrès de ce message, et ma voix s'élèvera toujours en protestation…

Il incombe à nos maisons d'éditions d'aller à la recherche des auteurs et d'obtenir d'eux les manuscrits que nous pensons devoir publier, mais une fois ces manuscrits obtenus, nous les mettons entre les mains de la Commission des publications et là ils restent dans l'oubli durant des mois, pour recevoir finalement une décision contraire, à cause de certains points techniques sur la justification par la foi, ou autre chose similaire…" (Lettre de A.O. Tait à W.C. White, 7/10/1895).

Sur les traces de Rome

Il y a beaucoup plus de documentation disponible sur cette Commission, mais ce qui précède suffit certainement à donner une idée de la corruption existant au cœur de l'œuvre. E. White, qui était en Australie, était bien au courrant de ce qui se passait à Battle Creek, même avant que la lettre de Tait ne parvienne à son fils W.C. White. Bien auparavant, elle avait averti C.H Jones [gérant] de Pacific Press, de ne pas se soumettre au contrôle de Battle Creek. E. White n'aurait même pas confié son travail personnel à la Commission des Publications et à la maison d'édition de Battle Creek. Dans les mois qui suivirent, elle écrivit de manière incisive au sujet de la Commission des publications, comme nécessitant la puissance de conversion de Dieu (il est intéressant d'observer que la Commission fut dissoute en 1897):

"Cher frère Jones [il s'agit de C. H. Jones, gérant de la Pacific Press], il est nécessaire que la Pacific Press se tienne en faveur de Dieu, que son action ne soit assujettie à aucun contrôle humain. Elle ne doit pas s'abaisser à demander la permission aux autorités de Battle Creek pour savoir si elle doit ou non suivre une ligne de travail qu'elle croit devoir entreprendre. C'est au Seigneur qu'elle doit rendre des comptes. Toute la lumière qui jusqu'ici m'a été donnée par Dieu est que ces institutions, Battle Creek mise à part, ne doivent pas être absorbées par elle. Ceci signifierait un grand dommage pour les deux parties" (Lettre 35, de E. White à C.H. Jones, 8/8/1895).

"Je ne peux pas confier la lumière que le Seigneur m'a donnée à la maison d'édition de Battle Creek. Je n'oserai pas le faire. Quant à sa Commission des publications, sous l'administration actuelle des hommes qui la président actuellement, je ne lui confierai jamais la publication d'un livre contenant la lumière que Dieu m'a donnée, tant que cette maison d'édition n'a pas des hommes d'habileté et de sagesse consacrées. Quant à la Conférence Générale, il n'y a aucune voix venant de Dieu dans ce corps, qui soit digne de confiance" (Ms 57, 121/10/1895).

"Frère Olsen [alors président de la Conférence Générale], j'ai les plus tendres sentiments pour vous: mais je dois vous exposer clairement que votre discernement spirituel court le danger de se perdre. Je parle avec décision, vu que je dois vous dire la vérité. Je ne serai pas accommodante, car il n'y a pas de sécurité dans le retard. Je n'ai pas confiance dans votre Commission des publications. Je vous ai déjà écrit antérieurement sur sa manière de traiter les auteurs des livres. Elle devrait les traiter impartialement, innocemment, comme un frère doit en traiter un autre; mais ils n'ont pas agi ainsi. Les principes et les motifs des traités commerciaux dans ce département ne sont pas d'un genre que Dieu puisse approuver. Ils ne sont pas en harmonie avec la stricte intégrité" (Lettre 83, de E. White à O.A. Olsen, 22/5/1896).

"Le Comité des publications a suivi les traces de Rome. Quand le matériel du professeur fut recompilé, et que sa publication fut refusée, je me suis dit: les membres de cette Commission ont besoin de la puissance de conversion de Dieu dans leur propre cœur, afin qu'ils puissent comprendre leur devoir. Ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Leurs idées ne devraient pas contrôler celles des autres. Selon la lumière que le Seigneur m'a donnée au sujet des membres de la Commission des publications, ils ne savent pas ce qu'ils devraient condamner ou approuver. Ils ne connaissent pas l'œuvre de Dieu. Ce ne sont pas des hommes comme ceux-ci qui devraient influencer les esprits de l'héritage de Dieu. Le Saint-Esprit doit faire Son œuvre. C'est à cause de leur séparation de Dieu que les hommes ont mal compris, et ont cessé de comprendre qu'ils ne doivent pas régir leurs semblables. Ce n'est pas leur rôle de condamner ou contrôler les productions de ceux que Dieu emploie comme porteurs de lumière au monde. Ils ont tellement rétréci leur champ de vision à cause de leurs actions, qu'ils sont loin de pouvoir être les juges adéquats. Ils doivent tomber sur le Rocher, Jésus-Christ, et être brisés" (Ms 148, 26/10/1826).

« Le Seigneur désire qu'il le termine »

À la lumière de la situation exposée, il n'est pas difficile de comprendre que le manuscrit de Waggoner ait été refusé par la Commission des Publications de Battle Creek. Malgré tout, loin de se décourager, Waggoner écrivit à E. White en Décembre 1895, partageant avec elle son intérêt pour achever l'élaboration du manuscrit 'Le pacte éternel'. Il sentait que c'était la volonté du Seigneur 'qu'il le termine une bonne fois pour toute':

"Il y a un livre qui a occupé tout spécialement mon esprit depuis que j'ai commencé à enseigner à Battle Creek, le premier hiver [1889-1890], et j'ai commencé à écrire le manuscrit il y a trois ans [1892]. J'ai ré-écrit tout ce que j'avais rédigé antérieurement, et j'y ai fait des rajouts de temps en temps, mais j'ai été bien empêché. Je ne le regrette pas, vu que le retard a permis que le thème soit plus clair dans mon propre esprit. Je devrais dire que j'ai écrit quarante pages du manuscrit cet hiver, mais je les ai rejetées au fur et à mesure que le thème apparaissait plus clairement devant moi. Il traite de l'alliance éternelle, ou promesses de Dieu à Israël. Dernièrement j'ai pu écrire davantage là-dessus, et la lumière brille maintenant si clairement, que je sens que le Seigneur désire que je le termine une bonne fois pour toutes. J'espère être bientôt libéré de ce travail routinier, afin de pouvoir l'achever. Quand je l'aurai terminé, je vous en enverrai une copie en Australie, afin que vous l'examiniez" (31/12/1895).

Il semble que, fidèle à son objectif, Waggoner acheva son manuscrit vers le mois de Mai 1896. Au lieu d'envoyer le livre pour qu'il soit publié en Amérique, il l'édita sous forme d'articles hebdomadaires dans The Present Truth, la revue dont il était à ce moment-là le seul éditeur. Il est possible que la publication d'un livre de cette envergure fût difficile en Angleterre, dans les conditions de pénurie économique dans lesquelles Waggoner travaillait. Les articles parurent pendant un an, jusqu'en Mai 1897, et ils sont presque identiques à la version de "L'alliance éternelle" qui fut finalement publiée en 1900. En 1898, E. White écrivit à Waggoner pour lui exprimer ses sentiments sur lui-même et sur son ouvrage. Il n'y a pas de doute qu'elle continuait de le considérer comme le porteur du "très précieux message" du Seigneur:

"Chers frère et sœur Waggoner. Comme je serai heureuse de pouvoir vous voir et vous visiter. J'ai tant désiré que vous veniez nous visiter en Australie; mais bien des années ont passé depuis que j'ai cessé de considérer la Conférence Générale comme la voix de Dieu, aussi, je n'ai aucun désir de lui écrire, bien que plusieurs fois j'ai été sur le point de demander que vous fassiez une visite en Australie. Pourriez-vous la faire? S'il vous plait, écrivez-nous si vous pouvez…

"Je vous écris maintenant parce que je veux (et W.C. White le pense aussi) que vous nous visitiez en Australie. Nous croyons que The Present Truth est la meilleure revue publiée par notre peuple…

"Je serai si heureuse si vous pouviez venir en Australie" (Lettre 77, 26/8/1898).

"Cher frère Waggoner: W.C. White, le frère Daniells et moi-même nous avons parlé à votre sujet et celui de votre famille pour que vous veniez dans ce pays. Nous étions tous d'accord sur le fait que nous avons besoin de vous ici pour enseigner la Bible dans notre séminaire…

Je vous demande de venir dans ce pays aussi vite que vous pourrez le faire" (Lettre 29, 12/2/1899, non publiée).

« La meilleure revue du monde »

Comment Waggoner fut sur le point d'aller en Australie est une autre histoire, mais ce qui est sûr, c'est qu'il fit des plans pour s'y rendre, et J.S. Washburn [ami personnel de E. White et délégué de l'Iowa à Minneapolis] considérait ce voyage comme certain. Malheureusement, le même genre de corruption qui avait bloqué la publication de son manuscrit quelques années auparavant, à Battle Creek, l'en empêcha; ce qui fut une des raisons pour lesquelles E. White ne considérait déjà plus la Conférence Générale comme "la voix de Dieu". Cependant, il est intéressant de connaître ce que Washburn pensait de Waggoner et Present Truth à cette époque:

"Je me réjouis de ce que vous puissiez compter sur frère Waggoner en Australie pour un temps. Je suis sûr qu'il fera beaucoup de bien. Je pense qu'il a été, et continue d'être utilisé par le Seigneur plus que n'importe qui parmi nous pour découvrir des vérités d'une importance vitale pour notre peuple aujourd'hui. Mon opinion sur le frère Waggoner et son œuvre a beaucoup changée depuis Minneapolis [au début, il ne l'avait pas accepté]… Je suis sûr qu'il sera une grande bénédiction pour l'œuvre en Australie tant qu'il y sera. Il travaille avec acharnement, en réalisant la plupart du temps une double tâche: prêchant autant ou plus que n'importe quel pasteur, et éditant Present Truth. Je pense que Present Truth est réellement la meilleure revue du monde, et je le pense depuis bien longtemps" (Lettre à E. White, 29/5/1899).

La version de 1900: une différence capitale!

Waggoner publia enfin son manuscrit en 1900, sous forme de livre (International Tract Society, Angleterre). Il était presque identique aux articles publiés chaque semaine dans Present Truth, mais il y avait une différence clé: s'il n'existait aucune trace de panthéisme dans les articles de Present Truth, il avait inclus certaines affirmations de tendance panthéiste dans le livre. On les trouve surtout dans les deux nouveaux chapitres ajoutés à la publication de 1900, et qui étaient inexistants dans la série de Present Truth. Il semble clair que Waggoner introduisit ces concepts panthéistes influencés par J.H. Kelloggs, qui alors enseignait ouvertement le panthéisme. Même avec ces rajouts, quelques-uns considérèrent le livre comme un apport de valeur. A.G. Daniells, président de la Conférence Générale, recommanda le livre avec insistance pour son enseignement sur les alliances, mais il avait l'espoir que les ténèbres causées par ceux qui persistaient à s'opposer à la lumière qui vint à Minneapolis en 1888, se dissiperaient:

"Notre peuple recevrait une grande bénédiction s'il lisait ce livre. J'ignore s'il l'a analysé avec soin ou non. Son titre, 'L'alliance éternelle', donne une idée de l'ampleur de son contenu. Il nous transporte au cœur même de l'Évangile de Christ. Il expose le plan de Dieu pour sauver le monde par la grâce, au moyen de la foi en Christ. Il fait résonner la grande note de la Réforme, appelée "justification par la foi". Il expose la faiblesse et la folie de l'alliance des œuvres. Le livre traite réellement de la grande question qui agita tant notre peuple à Minneapolis, et autant que je sache, c'est la seule œuvre maîtresse qui ait été écrite sur ce thème depuis la rencontre de Minneapolis. Beaucoup ont écrit pour nos publications: sœur White, les frères Waggoner, Jones et Wilcox, mais 'L'alliance éternelle' est la seule grande œuvre dédiée à ce grand thème qui ait été écrit jusqu'à ce jour. Il y a environ deux ans que ce livre a été imprimé, mais il n'a jamais été diffusé parmi notre peuple, en dehors de l'Angleterre. Certaines copies furent envoyées aux États-Unis, mais en petite quantité. Ceux qui ont lu le livre sont d'accord pour le qualifié d'excellent. Ce matin, frère Olsen m'a dit qu'après la Bible et les écrits de votre mère, ce livre lui avait fait plus de bien que n'importe quel autre qu'il avait lu… J'ai parlé à frère Prescott à ce sujet avant de partir, et ma suggestion lui plut. Je ressens une vraie inquiétude à ce sujet et je lui demandai avec ferveur de lui prêter une considération sérieuse. S'il vous plait, parlez-en à votre mère [E. White] et aussi aux frères A.T. Jones et W.T. Knox. Je crois que frère Jones a lu le livre… Hier, j'ai parlé de ce sujet à frère Waggoner, qui serait enchanté que ce plan puisse prospérer. Il désire vraiment que cette lumière parvienne au monde…

[PS] J'ai oublié de mentionner le fait qu'une influence plus ou moins grande est en train de s'exercer dans les états du Centre et de l'Ouest contre la lumière qui nous vint à Minneapolis. Je crois que nous causons un grand mal à notre peuple en maintenant la lumière loin de lui. Ils ne lisent rien sur le sujet, et les pasteurs en qui nous devrions avoir confiance, leur donnent l'erreur et les ténèbres au lieu de la lumière et de la vérité. Il n'y a pas de doute la-dessus. Certains d'entre eux sont fortement alliés à ceux qui s'opposèrent à la lumière à Minneapolis. C'est un fait que certains de nos jeunes pasteurs manquent de liberté pour prêcher la justice par la foi dans la plénitude qu'ils désireraient. Ils me l'ont manifesté. Je suis profondément convaincu que quelque chose devrait être fait afin qu'un déluge de lumière parvienne aux foyers de notre peuple. Je ne connais aucun livre meilleur pour cela, la Bible mise à part, que le livre de Waggoner" (Lettre à W.C. White, 12/5/1902).

Le livre de Waggoner ne fut jamais imprimé aux États-Unis, il ne fut donc jamais largement diffusé. Ses articles dans Present Truth ne furent pas non plus réimprimés. Au contraire, en 1907, l'Église imprima les leçons de l'École du Sabbat présentant la position que Smith et Butler avaient soutenue sur les alliances, position opposée à la vision qu'E. White avait eue, en appui à la position de Waggoner. En 1908, R.A. Underwood (qui s'était opposé à Jones et Waggoner à Minneapolis, en 1888), présenta la position populaire de Smith et Butler dans son livre de 72 pages, 'The law and the Covenants: An Exposition' (Un exposé sur la loi et les alliances). Il consistait, une fois de plus, à s'opposer ouvertement à la position de Jones et Waggoner. Il écrivit, par exemple: "Il y a eu une confusion considérable sur les promesses de l'ancien et de la nouvelle alliance. Certains ont soutenu que l'ancienne alliance était surtout constituée des promesses du peuple. C'est loin d'être la vérité" (p. 35).

Jusqu'au début de 1910, Butler n'avait pas de problème pour déclarer à A.G. Daniells "ce qu'il pensait à propos du message que Jones et Waggoner apportèrent à cette dénomination en 1888. Il se référa surtout à leur position sur les lois et les alliances… et il me dit avec beaucoup d'insistance qu'il n'avait jamais pu voir la lumière dans leurs messages spéciaux, et qu'il n'avait jamais adopté leur position" (Lettre de A.G. Daniells à W.C. White, 21/1/1910). Malheureusement, cette attitude d'opposition aux enseignements sur les alliances, tels que Jones et Waggoner les présentèrent, a imprégné toutes les publications de l'Église. Depuis lors, l'Église n'a publié aucun livre reflétant clairement l'enseignement sur les alliances, tel que Jones et surtout Waggoner le présentèrent.

Pour la première fois en un siècle, vous avez le privilège de disposer des articles de Waggoner dans leur version originale, tels qu'ils parurent sous forme d'articles hebdomadaires dans Present Truth, sans aucun rajout postérieur de tendance panthéiste-, mais maintenant sous forme de livre. Je recommande personnellement ce livre à tout adventiste, non seulement comme lecture personnelle, mais pour le partager avec ses voisins et ses amis non adventistes.